Doit-on interdire ce qu'on ne peut empêcher ?
Notre société n'est pas vraiment neuve. Elle tire certaines règles de son histoire, de contextes différents que ceux d'aujourd'hui. Certaines interdictions sont vieilles, et reconnues pour n'avoir jamais été efficaces de leur histoire, comme les lois anti-prostitution (Cf mon article "mi pute mi soumise" du 24/05) ou les lois anti-drogues, connues pour leurs effets néfastes sur les victimes et leur impuissance face aux véritables abus.
Un autre domaine, qui va nous intéresser aujourd'hui et dans lequel la société(ou du moins une partie) est de nouveau "perdue", est la musique. Ce pourrait être le cinéma mais étant donné que la musique a fait office de précurseur dans le genre, nous allons nous concentrer sur elle.
Revenons donc dans le temps : La musique n'a au départ rien d'universel. On ne la connait que localement, et pour connaitre un artiste, il faut aller le voir. Avec le temps, et grâce à des hommes comme John Rastell, la partition se développe et la musique peut enfin se faire connaitre au delà des frontières. Déjà, certains artistes s'offusquent : et si on leur piquait leur musique par ce biais là ?
Il faudra attendre 1886 et la Convention de Berne pour que soit posée la question sur le principe de droit d'auteur. Seulement, manque de bol : le phonographe vient d'être inventé. les auteurs, comme pour les partitions quelques temps avant, se sentent menacés, et demandent une protection de leurs droits d'urgence. Malgré tout, les partitions servent de gagne-pain principal aux compositeurs(de classique surtout, la musique "pop" n'ayant qu'un public très restreint à cette époque) pendant le premier quart du XXe siècle.
Au fur et à mesure, les différentes Conventions de Berne instaurent une système de protection des droits efficace, et tout semble s'arranger. Le classique se vend de moins en moins au profit de musique "pop", le développement du cinéma parlant et de la radio permettent aux "majors"(Sony Music, BMG..) que nous connaissons aujourd'hui de naître et prospérer.
Mais alors vient la cata : en 1961, des fous furieux avides de tout casser, Phillips, sortent la cassette audio ! Encore pire que la partition et le microsillon, on peut désormais enregistrer soi-même sa musique à la maison. Bon, la qualité est un peu nase certes, mais on peut toujours acheter la cassette originale en magasin ou le vinyle(quand on a des sous) pour écouter ses compositeurs préférés ; nos bons producteurs sont sauvés. Dix-neuf ans plus tard, sort ce qui semble aux yeux des majors comme une révolution : le compact disc ! Cette superbe invention a une qualité bien supérieure à la cassette, et permet donc de vendre les deux à la fois, le CD pour la qualité, les cassettes pour la diffusion la découverte et les walkmans, souvent suivie de l'achat CD si la musique a plu.
Tout semblait aller pour le mieux, mais en 1988 apparait le CD inscriptible. "L'industrie musicale", comme on l'appelle à présent, tremble. Le consommateur a désormais le moyen de reproduire à l'identique. En poussant la société dans le sens du "tout-CD", les maisons de disque se sont tiré une balle dans le pied. S'ensuit une longue et inutile bataille juridique, qui mènera à... Rien. Obnubilés par leur porte-monnaie et non pas l'innovation, les majors ne s'occupent que du "problème" des copies de CD, sans se soucier, dans les 90's, du lancement du réseau informatique mondial : internet.
Entre temps, les choses ont changé, et les majors préfèrent des artistes "qui marchent" à un bon artiste qui ne marche pas. Il suit qu'il sortent des centaines de musiques douteuses, pompées les unes sur les autres(apparition des "boy's band" et autres). Le point de vue du public sur la musique change. Il en voit de moins en moins la valeur, pour ne plus en voir que la valeur émotionnelle.
Apparait alors, en 1999, Napster. Le site Napster utilisait un réseau p2p, comme eMule ou bit torrent, spécialisé dans la musique au format mp3, format nouvellement créé à l'époque. Considéré comme un pionnier du genre, il connut un succès phénoménal, jusqu'à ce que les majors, aidés par(on ne sait qui a demandé à l'autre de l'accompagner mais il y a fort à parier que c'est le cas) plusieurs grands groupes, dont Metallica a ouvert la marche, suivi par Dr. Dre, talonné par Madonna, demandent à la justice de fermer Naspter en 2000.
Un an plus tôt, pourtant, les dirigeants de Naspter avaient rencontré plusieurs patrons de majors pour parlementer. Un accord fut proposé : Napster serait payé par abonnement, à hauteur de 10$ par mois, redistribués entre Naspter et les maisons de disque. Les majors ont refusé, envoyant ainsi 25 millions d'utilisateurs sur kazaa, emule, et consorts... Napster, c'était comme si tout le monde écoutait la même radio. Un formidable monopole disponible sur commande, sur simple négociation. Aujourd'hui Naspter est réservé au public américain et payant. On peut toujours écouter 30 secondes d'un morceau si ça nous chante... Tout le monde s'en fout, et s'est dispersé sur kazaa, emule, shareaza, azureus, bit torrent, etc.
Reste une question : si certains n'hésitent pas à franchir le pas et penser que les majors se sont sabordées elles-mêmes, à quoi peuvent bien servir les gesticulations de multi-millionnaires arrogants qui vont jusqu'à pleurer en public sur "le vol de leur musique" ? Et qu'on n'avance pas l'argument des petits artistes qui n'arrivent pas à percer à cause du téléchargement, les majors ne sont guère reconnues pour promouvoir les petits artistes un peu originaux. Quand on aime et admire réellement un artiste, on préfère toujours acheter un original. C'est (peut-être) plus une question de qualité et de pédagogie qu'autre chose...
Merci de votre lecture et à bientôt.
Sources : Wikipédia, divers sites web, le magazine Rolling Stone.