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Les Alterformistes Déchainés [LAD]
Les Alterformistes Déchainés [LAD]
15 janvier 2009

Orgemont 1

Blockhaus d'âmes errantes. Couloirs jaunes interminables. Entre patients grabataires et simples d'esprits. Je désespère. Long cargo qui s'abîme au rythme de lentes vagues. Carcasse mangée petit à petit par le sel, morceaux qui se détachent pour s'échouer sur une plage déserte. Petite mort débonnaire. On sort fumer sur une espèce de parking parsemé de pots de fleurs aussi chatoyantes qu'un vieux chrysanthème abandonné. Le souffle morne d'un abattement absolu s'empare du lieu tout entier, et il glace les gens. Dans ma chambre je pleure l'enfermement, la dramaturgie qui se joue contre moi. Pour aujourd'hui il n'y a pas d'issue possible, pas de lien même infime avec le monde. Coincé, comme un rat, comme un pestiféré. Je n'échange qu'avec les souris grises qui m'administrent mon traitement ou les grosses dames en blouses roses qui me servent leur bouillie. D'ailleurs je ne m'alimente plus, je n'en ai pas le goût. Je patiente invariablement sur le lit jusqu'à mon élargissement. Demain je serai dans un taxi en direction de la butterfly street chargé de tous mes bagages inutiles prêt à retrouver ma maladive solitude. Quitte à déprimer, autant le faire sous les yeux bienveillants de Jaurès et Freud. Et puis retrouver mon seul lien avec un monde qui se délite, Internet. Ses conversations loufoques, vaines, passionnantes ou rituelles. La possibilité, aussi, de rédiger mon improbable journal aussi intéressant qu'un arrêt du Conseil d'Etat.

Bientôt dix huit heures, je ne sais d'où j'ai pu tirer la capacité à résister à cette journée moribonde et à ma folle lassitude. Parfois je voudrais crever, cesser la comédie et répondre enfin à une de mes questions existentielles : Dieu porte t-il une barbe ? Sérieusement, quand on se pose la question du croire, on gagne en gravité et l'absence de réponse accroît de manière certaine une sourde angoisse. Angoisse intériorisée, angoisse somatisée et angoisse sublimée. On se transforme en être douloureusement présent à l'existence et en pessimiste gai. Parce qu'il n'y a souvent que l'humour pour nous sauver du profond mal-être d'une vérité muette.

Je les attends, les souris grises, avec mes pilules du bonheur. Je leur prépare mon plus beau sourire narquois teinté d'un mépris que je ne contrôle pas. Quelque part je les considère comme les complices de mes geôliers, comme les particules élémentaires d'un rouage qui me restreint dans ma liberté. Et dès que cette liberté se trouve limitée d'une façon ou d'une autre j'étouffe, il me faut m'évader à tout prix. Je crois que je commence à en peser le prix et je sais que je n'ai pas toujours les moyens. Plus les années passent, plus je deviens pauvre.
D'ailleurs mes capacités s'amenuisent, ma plume fléchie, mon humeur me trahit et mon foie commence à accuser le coup. Je vieillis mal et la putréfaction de l'esprit et du corps suit son chemin implacable.

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